Festival du Silence du 8 au 12 mai 2024 au Climont
Comment faire un retour sur 5 jours intenses? Nous avons essayé de vous faire un petit carnet de bord captant des impressions, des bribes d’images, d’émotions et de textes… Un carnet de bord, qui sera certainement encore enrichi.

Du bruit des motards sur la route des Crêtes, au Festival du Silence avec ABC-CLIMONT, ou comment questionner la force du Silence et des non dits, les petites histoires qui font la grande Histoire, Philosophie, arts, musique baroque et composition 4’33 silencieuse de John Cage… La nature généreuse non silencieuse mais clarté sonore à travers monts et forêts… Histoires singulières, fresque, séjour empli de sons, couleurs et réflexion autour du Silence et sa force émotionnelle et aussi silences de l’histoire en contre fond du bruit des bottes passé et des bombes dans le monde…
Danielle

Ouverture
Le silence est une source. Il nourrit notre vie. A condition, que nous sommes prêts à nous ouvrir à lui.
Chris Doude Van Troostwijk, vice-président d’ABC-Climont
Mercredi 8 mai
Echange avec Gérard Janus autour de son livre La demeure du silence, sur les silences dans nos familles et l’importance d’y mettre des mots. Premier atelier d’écriture sur les non-dits avec nos deux autrices en résidence, Olivia Bonnafoux et Tiffany Le Dévoré et miracle! Le ciel s’ouvre et montre ses étoiles… Le beau temps nous accompagnera tout au long du festival. Quel cadeau! Et merci à René Lamey pour son tambour sous le ciel dans le vent froid encore et à Maïeul Rouquette pour cette question: qu’est-ce la nuit pour vous?




Résidence d’écriture
Nous avons traversé la France d’Ouest en Est, nous avons observé les paysages se transformer, se déformer à travers les vitres des trains. Quelque chose se passait déjà, les wagons se sont vidés, les paysages élargis, nous nous sommes tues.
Puis la gare de Saâles, la route, la grande maison blanche, les montagnes embrumées, une grande chaleur parmi ces montagnes couvertes, la maison un feu, un foyer.
La maison n’est pas un feu, mais dégage la même sensation qu’une cheminée en hiver, elle rassemble les gens autour, les réchauffe, nous a permis de faire de très belles rencontres à travers ce festival du silence.
La maison nous a offert un cadre propice à la réflexion, à la contemplation, nos regards se sont nourris de sa générosité, de sa bienveillance, de l’effervescence collective, des divers ateliers proposés.
Nous tenions à remercier les différentes personnes qui ont participé à nos ateliers d’écriture autour du silence, qu’ils soient difficiles ou plus doux. Merci d’avoir partagé avec nous vos textes, vos pensées, d’avoir brisé certains silences ou au contraire de les avoir accueillis, c’était beau et généreux.
Nous repartons la tête remplie, avec un texte en construction, nourrit de l’expérience de ces derniers jours.
Mille mercis,
Olivia et Tiffany

Les échos de Marie-Paule pour le 8 mai :
1. Pour Dimitri
Paix d’Ascension
pour changer la Victoire
en Armistice
2. Atelier d’écriture (Tiffany + Olivia)
Avec l’injonction d’écrire
j’ai fait renaître les mots
par césarienne
3. Silence des étoiles (Maïeul)
Le ciel a tissé
entre nous sa toile d’or
silencieuse
Jeudi 9 mai
Le matin un deuxième atelier d’écriture avec Olivia et Tiffany et dessiner le silence avec Augustin Holveck sur I-pad. L’après-midi écouter les plantes avec Bernard Stoehr. Chaque petite fleur, plante, mousse, lichen, champignon mérite un arrêt et une histoire. Bernard sera de retour au Climont le 14 septembre!






Ressources: Debout à côté des arbres et capter la lumière avec Anne Matthaey : veilleurs de silence.

Les échos de Marie-Paule pour le 9 mai :
1. Dessiner le silence sur IPad (Augustin)
Zut! Echec et mat
techno-illogique
de mes ronds dans l’eau 😦
2. Méditation verte (Anne Matthaey)
Mais dans la forêt,
retrouver en spirale
mon élan vital 🙂
3. Les plantes se parlent (Bernard Stoehr)
“Des secrets dorment dans les herbes,
Les vaches les connaissent bien!
Et, muettes comme les herbes,
Elles font semblant, le regard au loin,
De ne jamais penser à rien.”
(Jacques Prévert)
Vendredi 10 mai

Chris Doude van Troostwijk nous fait réfléchir à partir du texte Musique mutique du philosophe Jean-François Lyotard pour nous préparer au concert du samedi soir avec le morceau 4’33 » de John Cage.
Nous avons abordé la question de la pensée post-moderne, la valeur des petites histoires face aux grands récits et de l’ineffable qui accompagne toujours ce que nous disons. Discussions passionnantes!
Comment peindre le silence? Comment peindre le bruit? Que fait le bruit quand il touche au silence? Avec Claude Braun nous avons abordé ces questions qui touchent à la violence et la paix et essayé de les retranscrire sur une fresque commune.




Lors du concert participatif de Daniel Priss, Yevhennia et sa fille Margot ont chanté leur espoir pour l’Ukraine. C’était ça aussi, ce festival, accueillir les surprises, ceux et celles qui sont de passage et faire entrer le bruit du monde.

Les échos de Marie-Paule pour le 10 mai :
1. Penser le silence (Chris, Lyotard)
Peut-être en danse,
révéler du silence
l’être musique?
2. Le silence entre les mots (Anne)
Comme ils sont bruyants,
tous ces mots silencieux
pris ma tête!!!
3. Fresque du silence (Claude Braun)
Et comme ils sont sourds,
nos pinceaux chaotiques,
en desharmonie!!!
Samedi 11 mai

Frédérique Neau-Dufour partage son travail d’historienne sur l’épuration dans la Vallée de la Bruche (1944 – 1945). Pourquoi tant de difficulté à prendre la parole ? Comment ce silence s’est-il finalement émoussé ? Le silence est-il parfois plus dangereux que le récit des faits ?
A partir de son travail dans les archives et en rassemblant des témoignages, elle travaille sur une reconstitution de ce qui s’est passé. Son livre sur l’histoire de l’épuration sortira fin novembre.

Sous la direction de J.C. Gandemer, artiste, plasticienne et papétiste, nous avons essayé de restituer l’expérience de la méditation dans la forêt…



A la fin de l’après-midi, Marthe Graff nous a accompagné dans une méditation en silence. Elle a réussi à nous faire accueillir le bruit des motards comme faisant partie du décor. Quand nous avons ouvert les yeux après deux heures, nous avons étions tout à coup très nombreux !
Le silence est une chose a apprivoiser, à apprendre, il peut intimider, faire peur. Pour moi qui suis une grande bavarde, je le comble souvent, je ne le laisse que rarement s’installer. On ne sait jamais ce que les autres vont faire du silence que l’on laisse. Et pourtant je comprends son importance que ce soit dans une conversation, dans un temps partagé avec les autres, ou même seul .
Le silence je ne saurais pas vraiment comment le définir. Si j essaie, je dirai que c’est une absence de paroles avant tout. Car le silence n’est pas une absence de bruit, le silence n’est pas toujours vide, la nature quand on l’écoute est un concert aux 1001 bruits et pourtant nous qualifions cela de silence, un silence apaisant et reposant. J’ai l’impression que sa place a été perdue dans nos sociétés actuelles, aujourd’hui ce qui est mis en avant c’est la parole c’est celui qui parle le plus fort, celui qui dit tout haut, celui qui s’exprime. Plus on fait de bruit, plus on devient important et écouté. Pourtant j’ai l impression qu’avant, le silence était le compagnon du respect, de la pudeur ou encore de la réserve. Le silence permet la réflexion, il permet de prendre le temps de nuancer ces propos dans une conversation, il laisse le temps aux émotions de s’installer pour ne pas réagir « à chaud ». Le silence amène aussi une temporalité différente dans notre vie, il pousse à ralentir, à réfléchir. Garder le silence semble pourtant aujourd’hui associé à la soumission et à l’effacement et c’est bien dommage.
Il n’y a plus guère que dans la spiritualité où il garde sa place d’honneur, que ce soit une spiritualité laïque ou religieuse. Le silence a toujours été de mise dans les lieux de culte que ce soit à l’église à la synagogue à la mosquée : on baisse d’un ton, on chuchote, on se tait et il en va de même dans les temples bouddhistes ou hindouistes. À travers le monde et les phrases populaires on voit bien que le silence a toujours eu une place importante ; ne dit on pas « la parole est d’argent le silence est d’or ».
A travers le monde entier on essaie de se reconnecter à ce silence. Il existe des ateliers de silence, des retraites spirituelles où l’on apprend à se taire, où l’on choisit même de se taire, d’être entouré de silence pendant quelques jours ou quelques mois.Le silence on le sent au fond de nous, il nous fait du bien il est comme un médicament pour notre âme et sûrement pour notre esprit. Alors c’est vrai que je ne lui laisse point de place mais aujourd’hui dans ce festival où l’on célèbre ce silence penchons-nous sur ces bienfaits, sur la communion qu’il peut amener les uns avec les autres. Quand on se tait on ressent les autres et tout ce qui n’est pas dit avec des mots est ressenti. Un silence entre deux personnes peut ne pas être le même. Un silence entre amoureux est chargé de tendresse d’amour, d’excitation, d’émerveillement contrairement au silence entre personnes fâchées qui sera lourd et électrique.
Alors en un trois mots : cultivons et apprivoisons le silence.
Sarah
On a ouvert le concert du soir en faisant le tour du temple avec une méditation bouddhiste en silence, menée par Bettina Föllmi. Un concert lors d’un festival de silence. Quelle question étrange! Et pourtant en mettant l’accent sur l’écoute du silence, la musique baroque proposée par Claudine et Bruno Soucaille à la flûte et l’orgue s’est ouvert tout différemment. Surtout après la présentation et l’interprétation de l’oeuvre de John Cage 4’33 » par Beat Föllmi et Brigitte Schverer.



En quittant le concert samedi soir, j’ai pris congés des participants que j’avais rencontrés et c’était très émouvant de se sentir si proches. Je me suis fait la réflexion que ce silence dont nous avions parlé ensemble mais aussi que nous avions vécu, expérimenté ensemble avaient créé un lien fort alors même que nous n’avions rien partagé de nos vies. Voilà une vertu du silence, s’ouvrir aux autres par-delà les mots, partager notre humanité et être, se tenir ici et maintenant dans ce monde que nous partageons. J’ai eu ce même ressenti de plénitude avec la pièce de Cage que je ne connaissais pas… et je l’avoue la 2ième partie du concert, malgré sa grande qualité, m’a – presque – semblé de « trop ». Belle expérience que ces 4 jours !
Josiane

Les échos de Marie-Paule pour le 11 mai :
1. Un si long silence (Frédérique Neau-Dufour)
Métamorphoser
le poids des vies étouffées
en lien de clarté?
2. Collage (Juliette)
“Au dehors, l’arbre est là,
Signe constant des choses
qui plongent dans l’argile.
Il est grand, il est fort,
il a des bras puissants.
Ses feuilles,
comme des mains d’enfant qui dort,
S’émeuvent et clignent.”
(Eugène Guillevic)
3. Méditation (Marthe Graff)
Paix intérieure…
Le silence a fait concert
du ballet des motos 🙂
Dimanche 12 mai
« L’homme qui prie porte en son silence toute la semence des siècles. Les voix de la nuit, les grands murmures d’univers… » (Philippe Mac Leod )
Après l’ouverture de la journée par Natacha Cros-Ancey, nous nous mettons en marche!
Bonheur! Magnifique balade avec David Le Breton sous le signe du silence! Un rappel en acte et en littérature de l’importance de sortir des sentiers battus pour aller à la recherche du silence et le cultiver! A notre retour le chant d’Astrid Ruff clôture le festival. « Ani mamin », » Je crois » – Malgré et contre tous les silences et non-dits du monde, chanter la confiance qu’un jour le Messie viendra!





C’est juste au moment de la fin du festival, qu’on sent les première gouttes tomber!

Les échos de Marie-Paule pour le 12 mai :
Envie de marcher
de concert en silence,
ensemble, enfin 😉
Merci !
Grand merci à tous ceux et celles qui sont intervenus et à vous tous qui êtes venus partager ce temps du silence!

En peu de mots et beaucoup de silences entre…
Pour tous ces moments formidables partagés,
Pour votre enthousiasme, et pour votre générosité,
Pour votre invitation à nous faire réfléchir au monde dans lequel nous vivons.
MERCI.
Dans notre jardin six petites mésanges qui nous racontent la vie avec beaucoup de bruits !
Marie Angélique
Le off

Tout au long de ces 5 jours, le festival continuait à rassembler les festivaliers autour de grandes tablés, où nous avons partagé les repas et les pique-niques, avec nous artistes en résidence, des nouveaux visages chaque jour et l’équipe qui permettait tout cet accueil. Grand merci à Marie-Paule, Danielle et Gérard!
Ce n’était pas toujours très silencieux…


La suite
Quel beau thème, celui du silence! Et quel sujet important dans le monde qui est le nôtre… Nous allons naturellement faire le point sur ce festival, mais nous avons déjà ressenti un fort désir de reprendre et pourquoi pas, refaire un festival du silence lors du week-end de l’Ascension l’année prochaine. Alors n’hésitez pas à nous envoyer pas idées, vous envies :